Article paru dans Yoga Magazine numéro 42, janvier 2023
TEXTE Julien Levy
PHOTOGRAPHIES Jérôme Aufort
Éprise de liberté, amoureuse de la nature et connectée au monde spirituel depuis l’enfance, la yogini et naturopathe Marine Le Gouvello, qui vient de publier son quatrième livre, Ma Solution yoga, sommeil réparateur aux éditions Solar, a trouvé un sens à l’existence en apprenant à vivre dans la matière.

Un chemin de l’éther à la terre.
Trouver de la structure. De la matière dans le spirituel. Comme un défi de vie. Quand nombre de nos contemporains cherchent du sens en prenant leurs distances avec le monde matériel pour tenter de se relier à la dimension spirituelle de la vie,
Marine Le Gouvello parcourt le chemin inverse. Naturopathe, autrice et enseignante de yoga dans la région de Fontainebleau, ses activités lui ont permis de se structurer, elle qui se sent naturellement connectée à l’invisible depuis l’enfance. « J’ai toujours eu beaucoup de sensibilité, de perception, cette intuition innée du monde spirituel. La matière restait ma grande difficulté. Depuis que je suis née, j’ai l’impression qu’il pleut tout le temps dehors ! En fait, ce n’est pas de la pluie, c’est juste le prana que je vois », nous confie-t-elle dans un grand sourire, ses yeux bleus emplis de lumière.
Marine naît et vit à Paris jusqu’à ses 25 ans, dans une famille aux airs de tribu (dix oncles et tantes du côté de son père) dont les racines se sont formées dans la Bretagne celtique. Introvertie et plutôt timide, elle vit une enfance heureuse entre sa passion pour la danse classique et celle des livres, qu’elle dévore. Son amour pour la nature et les animaux font de ses vacances chez sa grand- mère en Mayenne, avec sa fratrie et ses cousins, des souvenirs fondateurs et joyeux. « J’aimais ce contact avec la terre que je grattais. J’allais au poney-club à côté de chez ma grand-mère et revenais avec de la boue jusqu’aux oreilles et des odeurs de crottin », se remémore-t-elle. Enfant, elle cherche l’harmonie et le mieux-vivre ensemble, elle masse les membres de sa famille, elle prend soin des autres. « J’avais déjà le gène du saint-bernard », plaisante-t-elle.
ÊTRE LIBRE
Marine sort brutalement de l’enfance à l’âge de 12 ans lorsque ses parents se séparent. « Cet événement a clairement marqué l’entrée dans une longue phase d’adolescence rebelle, en colère. » Ado, elle sort beaucoup, fait le mur, la fête, et cherche à fuir le monde de la matière. Un désir d’autonomie et d’indépendance très fort se manifeste rapidement, un trait de caractère toujours présent. Alors, quand on lui demande
ce que veut dire “être libre”, pour elle, Marine répond avec fluidité : « Aujourd’hui, c’est la liberté d’être en conscience de qui je suis et de comment j’interagis avec les autres et le monde. Cette liberté, c’est réussir à m’extraire le plus possible des fonctionnements automatiques, à choisir mes réactions, mes intentions. Être libre, c’est aussi ne me mettre aucune limite dans la réalisation
de mes rêves. »
Il lui faudra du temps avant d’être heureuse incarnée dans ce monde matériel. C’est dans cette période tourmentée de l’adolescence qu’elle est initiée au yoga par une amie de la seconde femme de son père, qui a passé du temps dans les ashrams Sivananda. Cette lignée du Hatha yoga repose sur une série de douze postures et cinq principes du yoga : exercice approprié (postures), respiration adéquate (pranayama), relaxation efficace (savasana), bonne alimentation (végétarienne), pensée positive et méditation (philosophie du Vedanta). « Lors de vacances en Bretagne, je la suivais dans sa pratique posturale. Je me suis sentie tellement bien, tellement apaisée… ça m’a vraiment marquée. Un sentiment incroyable ! » L’amie lui donne une feuille reprenant les douze postures de base, que Marine va pratiquer régulièrement, en solo, pendant une quinzaine d’années. « C’est comme ça que le yoga est entré dans ma vie. La pratique d’asanas a commencé à me structurer dans ma dimension physique. »
Et plus tard dans la méditation, notamment avec un mantra bien particulier.
UN MANTRA SECRET
À 20 ans, elle découvre l’univers de ces formules sacrées que sont les mantras. Elle est étudiante en droit et sciences politiques par attrait pour l’intérêt général, pas pour en faire un métier. En parallèle, elle paye ses études avec des contrats de mannequinat l’été au Japon. Et elle est amoureuse d’un jeune homme d’origine réunionnaise. « Une relation toxique qui a quand même eu du bon, puisqu’il m’a emmenée sur son île, où il m’a fait rencontrer son guide spirituel. » Le mentor s’appelle René, « un vieux monsieur adorable », naturopathe, magnétiseur, connecté à la nature et considéré comme un guérisseur. Il initie Marine à la méditation et lui donne un mantra yogique en lui expliquant comment l’utiliser.
« Ça résonnait très fort pour moi ! Ce mantra m’accompagne toujours, il a un ancrage particulier. » Nous n’en saurons pas davantage sur ce mantra qu’elle garde secret. « Ça ne se dit pas, ce genre de choses ! », justifie-t-elle dans un rire joyeux.
Il n’empêche. À cette époque, Marine ne trouve pas sa place, elle est en souffrance. « J’étais clairement déprimée. J’éprouvais beaucoup de difficulté à vivre les défis de l’incarnation, je me laissais flotter. J’avais besoin de me sentir utile, de trouver du sens à mon existence, que je ne trouvais ni dans mes études ni dans le mannequinat. Je ne me reconnaissais dans rien. » C’est dans ce contexte que Marine fait face à une nouvelle grande étape de sa vie. Elle a 22 ans et un de ses frères, cinq ans plus jeune qu’elle, décède d’une infection au cœur. « Il est parti en l’espace de six mois », dit-elle avant de prendre une gorgée d’eau. Ce deuil marque un tournant : « À partir de ce moment-là, j’ai pris la décision d’être heureuse et de profiter de la vie. » Marine met fin à sa relation avec son compagnon ; elle commence à s’alimenter davantage et mieux malgré les diktats du mannequinat, fait moins la fête. Elle reprend en main sa santé et son hygiène de vie. Elle se rapproche de ses parents. La structure familiale se ressoude progressivement ; une relation plus saine s’instaure.
À la fin de sa deuxième année de master, Marine est toujours en quête de sens et éprise de liberté. Son goût inné pour le voyage et l’aventure la pousse hors des sentiers battus. Elle accepte un contrat avec une agence de mannequins à Sydney, en Australie, obtient un visa d’un an et part à l’autre bout du monde seule. Son nouveau compagnon la rejoint ; ils voyagent plusieurs mois en van aménagé. « J’ai aimé vivre libre dans la nature, c’était comme réaliser un rêve. » Elle se remémore l’un de ses meilleurs souvenirs de ce voyage à la roots en terre aborigène. « Je venais de débuter l’escalade et nous sommes partis faire ma première grande voie dans le massif des Grampians, dans un parc national en Nouvelle- Galles du Sud. Le soir, on s’est retrouvés à boire une coupe de champagne entourés de kangourous, c’était magique. ». À son retour, le couple s’installe en forêt de Fontainebleau, pour rester en contact avec la nature et l’escalade.
« L’escalade est la combinaison parfaite entre l’effort physique, la sensation corporelle de fluidité, une communication directe avec les éléments de la nature et une dimension plus globale d’engagement mental proche de la méditation. C’est finalement une forme d’alignement entre toutes mes structures, physique, psychique et énergétique », analyse-t- elle.
ENTRE YOGA ET NATURO
« La naturopathie regroupait tout ce qui faisait partie de mon écosystème . »
Quelque temps après son retour, elle découvre la naturopathie par hasard et s’inscrit illico
au Cenatho, un centre de formation réputé à Paris. Dans un lumineux sourire, elle dit :
« La naturopathie regroupe tout ce qui fait partie de mon écosystème : les plantes, le soin, les huiles essentielles, la vie au naturel. Le puzzle est devenu cohérent. » Dans cette école, enfin Marine se sent à sa place. Elle a le sentiment de faire sa part d’une façon alignée avec ses valeurs d’intégrité, de liberté et d’empathie en lien avec le vivant.
« J’apprends tout un tas de savoir-faire absolument géniaux. Je suis rapidement mise en situation de pratiquer et tout de suite, les choses s’alignent, l’Univers m’envoie plein de validations : je reçois beaucoup de demandes de conseils, de rendez-vous. » Son activité se met en place et Marine s’épanouit dans cette voie.
Deux ans plus tard, elle se forme au yoga dans l’ashram Sivananda d’Orléans. À ses yeux, le yoga est un art de vivre, qui structure son énergie et son corps pour vivre dans la matière. « Tout, dans ma façon de vivre, est yoga, dit-elle, ma façon de me nourrir, mon travail sur mes pensées, la manière dont je me connecte à l’instant présent,
la façon dont je structure ma santé, mes relations aux autres… Finalement, les huit branches du Raja yoga contiennent tout. » Aujourd’hui, entre yoga et naturopathie, dans une approche où elle aime décloisonner, s’affranchir des limites tout en respectant la sagesse des anciens, Marine a le sentiment « d’avoir trouvé un ancrage vertical en moi qui me permet d’être beaucoup plus stable quels que soient les événements. Je parviens à prendre un peu de recul sur le théâtre de la vie. » Au risque de fuir le monde de matière ?
« Au contraire, pour jouer un rôle actif dans l’armée des colibris dans l’évolution de la conscience globale. » Naturopathie et yoga sont pour elle une façon d’apprendre à vivre sereinement dans le monde d’aujourd’hui et de profiter des plaisirs de la vie. Depuis
septembre 2021, elle ressent vivre une étape très importante de son parcours. Elle fait des choix majeurs, tels que quitter son compagnon avec qui elle a partagé quatorze années. Et plusieurs rêves se réalisent : acheter une maison, écrire des livres, rédiger des articles pour des magazines, se former au chamanisme. « J’ai dû m’affranchir de mes peurs et limitations qui m’empêchaient d’agir : peur d’être seule, de repartir de zéro, de ne pas y arriver. Mes choix de vie vont, d’une certaine manière, à l’encontre des standards. Mais j’essaie de mettre en pratique de vivre le présent.
La décision n’a pas été facile à prendre, mais
elle venait des profondeurs, et une fois prise,
tout s’est aligné. »

Mes objets fétiches :
Un ensemble de plumes
Ce sont des plumes de faucon et de paon accrochées ensemble. Ce cadeau m’a été offert par Beata Alfoldi, une femme médecine extraordinaire avec qui j’ai suivi une formation en pratiques chamaniques. Les plumes représentent l’élément air, la dimension de l’esprit, la spiritualité qui m’accompagnent.
Une poutre d’escalade portable
C’est une sorte de planche avec des encoches, qui s’accroche à une porte ou un arbre. Elle me permet de travailler mes tractions, d’entraîner ma force de doigts, de m’échauffer, où que je sois. Elle est portable, elle me permet autonomie et indépendance, des valeurs importantes à mes yeux.
De la sauge blanche
J’en ai toujours avec moi. La sauge blanche en fumigation fait partie de ces techniques simples de purification du corps éthérique et des lieux. C’est important d’être propre devant le divin.
RETRAITES À VENIR:
Yoga et alimentation vivante,
du 19 au 23 juin 2023 à l’écolieu Terre de Naissance (Bourgogne).
Infos et inscriptions ici